Série: Lina de Ferkel

À la fin du siècle, on définissait le somnambulisme comme « ayant le privilège admirable d’isoler les sentiments de l’âme de manière à leur permettre de se manifester dans toute leur intensité, sans être mélangés à d’autres sentiments complexes ». Dans ce domaine, Lina de Ferkel était présentée comme un « sujet ultra-sensitif » qui se prêtait au langage des sentiments dans le sommeil hypnotique, avec une grande expressivité et dans « des poses d’une étonnante beauté plastique ». Sur une mélodie, elle interprétait des danses inconnues d’elle, ou encore exprimait chacun des cinq sens sur les simples injonctions d’un expérimentateur. « Mlle Lina est une jolie personne, grande, souple, bien prise, aux lignes pures et d’impeccables proportions. Jadis, elle posait pour les sculpteurs, et les ateliers de A. Faguière, de Dalou et de Mercié, notamment, se sont émus, parmi leurs tentures, à la considérer. […] On venait, chez le colonel de se livrer à quelques essais, dans le domaine de l’inconscient, sur la jolie personne. Quelqu’un, sans préméditation, se mit au piano. Et Lina, brusquement, se leva et, avec des gestes charmants ou tragiques, dans des attitudes supérieurement sculpturales, se prit à mimer les expressions musicales. On l’éveilla, on la rendormit, on rejoua du piano, on chanta aussi, passant de la Marseillaise au menuet et du Tararaboum au Dies iræ. Lina mima, sans arrêt et sans effort, tour à tour, superbe ou exquise, souriante ou profondément dramatique. […] La voie de Lina était trouvée, et, peu après, commençaient, à la Bodinière, les intéressantes séances d’“ impressions musicales ” que sait commenter si heureusement l’éloquence familière et persuasive du jeune maître ès occultisme, Jules Bois. Il convient d’ajouter, ici, que Lina jouit de la rare faculté de s’endormir et de se réveiller elle-même, sur l’injonction qui lui en est faite, en pressant du doigt certains points de son corps, appelés points hypnogènes. En appuyant au-dessous du cou, à droite, elle s’endort. En serrant la face interne du poignet dextre, elle se réveille. Lina, je l’ai vue à la Bodinière, comme tout le monde l’a pu contempler, je l’ai vue, encore, chez le colonel de Rochas, puis dans l’atelier d’un peintre ami, où, à la faveur de la lumière, tombant de haut, notre photographe, M. Louis Piston, a su prendre les curieux clichés que nous reproduisons ici. Dans ce dernier lieu il a bien fallu croire qu’il n’existe, en l’aventure, aucune supercherie, attendu que j’ai “ opéré ” moi-même. Il n’y a point, d’ailleurs, dans les sensations musicales que subit Lina, non plus que dans la manière dont elle les exprime, à crier au miracle. Tous les sujets hypnotiques sont impressionnés par les sonorités, la seule particularité de Lina — et il sied de constater qu’elle n’est pas dépourvue d’intérêt — réside dans ceci, que son éducation d’art, acquise au temps de pose, lui permet une traduction remarquable, dans les mouvements de son corps, de tout ce qu’elle entend. » (H. de W., La Vie illustrée, Paris, 22 décembre 1898, p. 122).

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